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PréUberlétaires en images - 2

Les coquelicots de 1936 à 2017

Le PS avait perdu les élections quand il remplaça le populaire coquelicot par la rose bourgeoise. Mais il mit quelques dizaines d'années pour s'en rendre compte. Maintenant, il est au courant, mais il n'y a plus de coquelicots dans les champs. Voilà ce qui arrive quand on ne voit pas les masses prolétariennes s'uberiser.

Quelques coquelicots pour les uberlétaires

 

LE PREMIER MAI 1936

ENTRE DEUX TOURS

ET DEUX ÉPOQUES

Miguel Rodriguez

En 1936, le vendredi 1er mai précède de peu le deuxième tour des élections législatives et la victoire du Front populaire. Pourtant, la « journée des travailleurs » ne semble guère dominée par l'attente du proche lendemain : colorée d'une unité syndicale fraîchement recouvrée, elle marque surtout l'enracinement d'une tradition de mieux en mieux intégrée aux habitudes collectives. Entre la mobilisation militante et le rassemblement rituel, un pas se franchit peu à peu selon un rythme qui ne se superpose pas véritablement à celui de la conjoncture politique immédiate*.

Il paraît que Muguet est battu? Oui..,, il s'est fait sonner les cloches par Coquelicot»1. Telle est la légende du dessin paru dans l'Œuvre, à l'occasion du 1er mai 1936. On y voit deux insectes qui commentent les panneaux électoraux d'un parti blanc et son candidat « Muguet » et d'un parti rouge et son candidat « Coquelicot ». Une fleur rouge symbolise en effet, encore en 1936, une alternative de gauche, la filiation avec un passé de luttes

* L'argumentaire de cet article a été repris dans Miguel Rodriguez, Le 1" Mai, Paris, Gallimard, 1990 (coll. « Archives »). NDLR. 1. «Premier Mai électoral», L'Œuvre, 1er mai 1936.

socialistes. Le coquelicot ou, mieux encore, l'églantine, s'opposent symboliquement à la fleur blanche, au muguet, qui prendra ultérieurement le dessus. En 1936, le recours à la symbolique traditionnelle du 1er Mai sert donc à traduire la victoire électorale de la gauche qu'il précède de deux jours.

Mais, pour la grande presse, c'est surtout le muguet qui est le protagoniste de la journée, le symbole d'une paix sociale qui risque de se briser. Ce vendredi-là, écrit-on, les rues à Paris demeurent « agréablement provinciales ». Des foules paisibles y flânent tranquillement et occupent les terrasses des cafés. On rencontre partout les marchands de muguet « porte-bonheur ». La presse nationale ainsi que les grands périodiques régionaux reprennent deux photos : sur l'une, le président Sarraut achète du muguet, sur l'autre apparaît une marchande sur fond de panneaux électoraux. Si l'on accorde une telle importance aux cérémonies autour de la fleur blanche — la « reine des halles » en apporte aux autorités parisiennes — , c'est parce qu'il est important de blanchir la fête, de lui enlever tout caractère révolutionnaire, d'effacer sa portée politique : « C'est une bien jolie idée qu'on a eue que de placer la fête du travail sous le signe du muguet ». Et he Petit Méridional ajoute en ce tournant historique : « Muguet porte-bonheur... plus